Suresnes Cités Danse : Le hip hop en fête
Avec Mourad Merzouki, Farid Berki, Blanca Li, David Drouard et même un Sacre du printemps, le line-up 2018 à Suresnes est festif, éclectique et très prometteur. La 26e édition tisse des liens privilégiés entre danses urbaines, contemporaine et classique. Programmes de gala ou recherche de nouvelles gammes, joie pure ou revendication : Chacun(e) y trouve son compte.
Après vingt-cinq éditions qui ont marqué et transformé la danse hip hop, le festival Suresnes Cités Danse aborde un nouveau quart de siècle, dans un esprit festif. Avec ses deux grands formats débordant d’énergie – de véritables galas d’anniversaire – la 26e édition n’a rien à envier à celle qui, il y a un an, soufflait les 25 bougies de ce haut lieu de la rencontre du hip hop avec toutes les autres danses.
Ce lieu, c’est le Théâtre Jean Vilar de Suresnes, accessible depuis Paris (depuis la place Charles de Gaulle) grâce à une navette qui amène le public au théâtre et le rend à Paname, une fois le spectacle terminé. Chaque année, en janvier/février, Suresnes Cités Danse fait oublier la pluie ou la neige qui sévissent à l’extérieur. Comme chaque année, les deux salles accueillent des formats très différents, représentant les danses urbaines dans toute leur diversité.
Au total, Suresnes Cités Danse 2018 présente sept petites formes dans le cadre des trois programmes de la formule Cités Danse Connexions (pièces de vingt à trente minutes dont on voit deux ou trois d’affilé dans la petite salle), trois formats intermédiaires – des créations de Blanca Li, Jann Gallois et Andrew Skeels – ainsi que les trois grands rendez-vous de Farid Berki, Mourad Merzouki et David Drouard. Voilà qui souligne bien à quel point le hip hop est aujourd’hui un univers aussi structuré que le classique ou le contemporain.
Deux programmes de gala
Dans Vingt-cinq ans de hip hop, vingt-deux danseurs représentant trois générations de danse hip hop assurent l’ambiance festive, sur des musiques de Bach ou Houria Aïchi, Vivaldi ou Franck II Louise et tant d’autres. L’édition 2017 était marquée par ce spectacle-événement, orchestré par Farid Berki pour célébrer les 25 ans du festival. Le succès a été tel qu’un an plus tard, il y a un « bis » de trois représentations supplémentaires.
Käfig aussi prolonge la fête. Le programme conçu par Mourad Merzouki pour les 20 ans de sa compagnie rebondit à Suresnes. Comme Berki, le cofondateur d’Accrorap et fondateur de Käfig met les danseurs au centre. Six hommes, tous emblématiques des créations de Merzouki, sont réunis dans un salon avec son sofa, son lustre, ses tapis… Apaisement, élégance, poésie d’un chill-out où la virtuosité ne produit autre chose que de l’harmonie, racontant toute la maturité humaine et artistique du hip hop.
Du Sacre au sacré
La veine festive cache cependant un autre aspect de l’évolution en danse hip hop. Comme la danse contemporaine, celle-ci se met en perspective, dans un regard sur son propre parcours. 20 ans, 25 ans, etc… Dans le dialogue entre ces deux univers, qui est l’un des achèvements majeurs de Suresnes Cités Danse, l’édition 2018 marque une nouvelle acmé, avec la création de (S)acre par David Drouard.
Cet ancien interprète d’Odile Duboc et Michèle Noiret, qui a également collaboré avec la danseuse étoile Marie-Agnès Gillot, met en scène neuf danseuses, dans un jardin conçu par le plasticien paysager Gilles Clément. Accompagnées de trois musiciennes de rock punk, les neuf femmes s’approprient le rite, la partition et la nature. Parce que l’énergie « sauvage » ne conduit pas fatalement au sacrifice. Un (S)acre rebelle, féministe et donc parfaitement dans l’air du temps ? On en saura tout, dès la soirée d’ouverture…
Du Sacre au sacré, il n’y a qu’un pas. Un pas de deux. Féminin, là aussi, entre Bintou Dembélé et Anne-Marie Van, la krumpeuse surnommée Nach, récemment découverte dans son premier solo, Cellule, remarquable de force et de franchise. A découvrir ici dans S/T/R/A/T/E/S, face à Bintou Dembélé. Où hip hop et krump fusionnent dans un rituel réinventé, sur les traces du lien sacré à la terre et à l’autre.
Blanca Li ne mélange pas non plus les genres quand elle invite les anciens interprètes de son inoubliable Elektro Kif à la rejoindre pour une nouvelle création. Sept ans plus tard, ces jeunes lycéens sont devenus des artistes chorégraphiques adultes. Quel genre de fête nous offriront-ils sur le plateau? Une chose est certaine: Ce sera Elektrik, comme son titre l’indique, car toujours un spectacle de danse électro.
Quintettes hybrides
Hommes et femmes se mélangent, bien sûr, dans la grande revue hip hop de Farid Berki. Mais aussi, et alors avec plus d’intention et d’intensité, dans les deux quintettes du festival, auxquels on attribuera bien difficilement un genre artistique. Ces propositions sont portées par deux personnalités chorégraphiques qui incarnent elles-mêmes les vertus de l’hybridation.
D’une part, Andrew Skeels. Ce Montréalais à la carrière entre ballet et danses urbaines avait offert à Suresnes Cités Danse des moments mémorables avec ses pièces Street Dance Club et Fleeting, dans des genres parfaitement différents. Sa nouvelle création Finding Now offre aux danseurs urbains un bain de musique baroque, pour aiguiser leur gestuelle dans une vibration nouvelle qui pourrait, là aussi, atteindre le sacré et connecter la danse urbaine à son histoire lointaine.
Cités Danse Connexions, ressource et source
D’autre part, on retrouve l’ancienne B-Girl Jann Gallois avec Quintette, œuvre encore pleine de fraîcheur d’humour. Elle poursuit sur la lancée d’une écriture imprévisible et pourtant authentique. Sa carrière de chorégraphe est inséparable de Suresnes Cités Danse où elle a débuté dans le cadre intimiste de la Salle Aéroplane pour passer dans la grande salle, dédiée à Jean Vilar, comme le théâtre de Suresnes dans son ensemble.
Gallois a présenté ses premières œuvres dans le cadre de Cités Danse Connexions, où l’on retrouve cette année un autre invité régulier du festival: Amala Dianor, l’un des chorégraphes les plus demandés du moment. Il interprète lui-même son solo Man Rec et créera un duo féminin – pourtant intitulé Une – pour Sandrine Lescourant et Marion Alzieu.
De création en création, la grande famille des danses urbaines signe ses déclarations d’amour au corps, au mouvement, à la culture et même à l’histoire. Qu’il s’agisse de sa propre histoire, de l’histoire de la danse tout court ou de l’histoire de l’art, intégrant la peinture et la musique, les artistes chorégraphiques urbains font preuve d’une mobilité de l’esprit qui égale celle des corps. C’est un sacré acquis, et Suresnes Cités Danse y contribue largement. Hier, aujourd’hui et demain.
Thomas Hahn
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